J. Polak*, J. Aguila** et coll.
Il semble bien que la migraine ne soit pas multifactorielle tout semble indiquer
au contraire que sa cause est toujours la même et que seuls les facteurs
déclenchants sont variables.
"Nous avons les éléments du puzzle mais nous ne savons
pas encore les articuler logiquement. Surtout nous manque le primum movens.
" Pr Bes, neurologue (3), CHU Rangueil, Toulouse, à propos de
la migraine.
De nombreuses questions restent sans réponse quant à la cause
et aux mécanismes de la migraine, et notre ignorance en ces domaines
ne permettait pas jusqu'à présent de proposer un véritable
traitement de fond dont le but est l'absence totale de nouvelles crises, même
après arrêt du traitement et en l'absence de toute médication.
Les principales de ces questions sans réponses sont
- pourquoi la douleur de la migraine est-elle habituellement unilatérale
? - qu'est-ce qui provoque l'aura ?
- pourquoi celle-ci est-elle inconstante ?
- pourquoi est-elle surtout visuelle ? - pourquoi y a-t-il baisse de la vascularisation
cérébrale pendant l'aura ? (2)
- pourquoi cette hypovascularisation se propage-t-elle d'arrière en
avant ? (2)
- pourquoi y a-t-il une vasodilatation lors de la douleur ?
- quelle est le rôle de celle-ci dans la douleur ?
- comment agissent les facteurs déclenchants ?
- et surtout, quelle est la cause initiale de la migraine, le primum movens
?
Nous voudrions ici tenter de répondre à ces dix questions,
et proposer un traitement de fond efficace et durable.
Wolff (19), le premier, a émis l'hypothèse artérielle
de la migraine, reprise depuis par de nombreux auteurs. Defrance de Tersant
a envisagé une origine veineuse (20). Maigne, quant à lui, a
montré une origine cervicale fréquente (21). Nous pensons que
ces propositions en apparence contradictoires sont complémentaires
car justes, mais incomplètes.
La proposition que nous allons donc développer est que si la migraine
est bien d'origine vasculaire, comme on le supposait jusqu'à présent,
sa cause est à chercher au niveau du système veineux et non
artériel, et que ces perturbations du drainage veineux sont mécaniques,
d'origine musculaire.
* Médecin, Président de la Société internationale
de Myothérapie, Mirande (32).
**Médecin, Directeur du centre de Santé CCAS, Bordeaux (33).
Cette hypothèse nous a permis de déboucher sur un traitement
de fond permettant l'arrêt complet de la répétition des
crises dans les trois quarts des cas, et une diminution nette de fréquence
dans presque tous les autres cas.
Nous montrerons de plus qu'il n'y a probablement pas de différence
fondamentale entre migraines et céphalées banales.
Nous appuierons notre hypothèse sur une étude portant sur 44
cas de traitement de fond de migraines répondant aux critères
de l'IHS (International headache society), non sélectionnés,
s'étant présentés au tenue de Santé CCAS de Bordeaux
entre le 1-janvier 1993 et le 31 décembre 1994, et sur une autre étude
sur 155 cas de traitement de fond de céphalées banales, non
sélectionnés, s'étant présentés aux cabinets
de 25 médecins répartis sur toute la France.
Nous développerons nos arguments en trois parties
- Résumé de la notion de myospasme post-traumatique persistant
et bref rappel des éléments anatomiques et physiologiques nécessaires
à la compréhension de la suite de notre exposé.
- Explication et discussion de notre théorie d'ensemble sur la cause
et le mécanisme de la migraine et des céphalées banales.
- Exposé des résultats thérapeutiques dérivant
directement de cette hypothèse.
Il existe un réflexe, appelé "myotatique", qui fait
que tout muscle étiré se contracte. II permet de maintenir des
positions : dès qu'une position tend à se modifier un muscle
est étiré, et il se contracte automatiquement pour faire reprendre
la position initiale à l'articulation qu'il gouverne.
Il a aussi un rôle de protection de l'articulation en cas de choc. Sous
l'effet de ce dernier, un os est soudainement déplacé par rapport
au reste du corps, mais habituellement dans son axe normal : l'articulation
la plus proche est brusquement mobilisée et certains muscles vont donc
être brutalement étirés. Ici intervient donc aussi le
réflexe myotatique, cette fois dans le but de protéger l'articulation
contre la dislocation.
Le muscle est le premier sollicité, avant même le ligament qui
n'est en quelque sorte qu'une protection de secours, puisque obligatoirement
assez lâche pour permettre les mouvements de l'articulation.
Le muscle étiré se contracte pour résister au traumatisme.
Mais si celui-ci a entraîné un étirement rapide et exagéré
d'un muscle, celui-ci, on le constate en pratique, aura tendance à
ne plus cesser son raccourcissement, même après le choc il est
hypertonique et il peut le rester des mois et des années, comme si
l'étirement initial persistait (fig. 1). En fait ce spasme, une fois
installé, ne cède pas, ni spontanément ni au repos ni
même par massages. Il a plutôt tendance à s'aggraver avec
le temps. C'est ce que nous appellerons le myospasme post-traumatique persistant
ou MPP.
C'est une hypertonie musculaire localisée, d'origine traumatique, sans
tendance spontanée à la guérison, persistant donc indéfiniment*.
Il faut savoir qu'il existe deux sortes de muscles, selon les sortes de fibres
qui les composent en majorité : les muscles dits lents, dits toniques,
qui maintiennent les positions, et les muscles rapides qui permettent les
mouvements (16).
On constate en pratique, et cela s'explique d'un point de vue neuromusculaire,
que seuls les muscles toniques peuvent rester spasmés de façon
durable (22).
Une hypertonie localisée permanente (MPP) ne sera pas sans conséquences.
Elle peut rester latente pendant des années mais tôt ou tard
elle tend à être douloureuse et à tirer les os de l'articulation
que le muscle gouverne dans son sens, immobilisant plus ou moins cette articulation.
La connaissance de ce mécanisme est fondamentale pour la compréhension
de la cause et des mécanismes de presque toutes les douleurs articulaires,
de l'arthrose et des névralgies, et d'un grand nombre d'autres maladies
sans signes articulaires (15). C'est la compréhension du MPP qui nous
permet de comprendre et traiter les migraines.
Pour cela il faut encore savoir que les seuls muscles toniques du cou s'insérant
sur l'os temporal et non sur l'os occipital sont le longissimus capitis (anciennement
petit complexus) et le chef cléido-mastoïdien du muscle sterno-cléido-occipito-mastoïdien.
Ils servent entre autres à maintenir la stabilité latérale
du crâne sur le rachis cervical : leur contraction n'a pas pour but
de provoquer un mouvement.
Le premier va de la mastoïde aux vertèbres cervicales, le second
de la mastoïde à la clavicule.
" Son mécanisme neuro-physiologique est parfaitement explicable
mais ce n'est pas l'objet du présent article. Pour plus de détails,
voir bibliographie (22, 24).
Avant de proposer notre hypothèse quant à la cause des céphalées
et migraines, il nous semble indispensable de faire encore un bref rappel
anatomo-physiologique.
o Les sinus veineux, situés à l'intérieur
du crâne contre sa paroi, récoltent le sang des veines cérébrales.
Aucune de ces structures, veines ou sinus, ne possède de valves. Sauf
dans les sinus latéraux, le sang veineux circule d'avant en arrière
dans le crâne. Mais l'absence de valves permet une inversion du sens
de circulation encas de besoin.
o Le foramen jugulaire (FJ), anciennement appelé trou
déchiré postérieur, est un espace libre entre l'os occipital
et l'os temporal (fig. 2), de trajet presque horizontal. Sa base et sa face
interne sont formées par l'os occipital, son toit et sa face externe
par l'os temporal.
A travers le FJ passe le début de la veine jugulaire interne, par où
s'écoule environ 95 % du sang veineux de l'intérieur vers l'extérieur
du crâne, c'est-à-dire la presque totalité. Le débit
dans un vaisseau est fonction de la puissance 4 du rayon de celui-ci (encadré
1). Si une augmentation de la pression veineuse, diminuant le débit
au niveau des capillaires, entraîne une chute de la pression de
perfusion, l'augmentation de gal carbonique qui s'ensuit sera compensée
par une vasodilatation cérébrale pour prévenir la carence
en oxygène (hypoxie) (8, 10).
Les modifications de la circulation artérielle cérébrale
peuvent être relativement localisées mais on pense que chaque
carotide interne assure la vascularisation de l'hémisphère cérébral
homolatéral (8, 17) et que celle-ci est régulée au niveau
du sinus carotidien (8) avant la division de l'artère dans la boîte
crânienne, ce qui concernera dont tout un hémisphère cérébral.
Nous l'avons vu plus haut, les muscles lents, riches en fibres toniques, peuvent
à la suite d'un choc se spasmer de façon permanente. Ce spasme
peut s'aggraver selon les périodes, en fonction d'autres facteurs
- température (le froid contracte) ; - stress ou fatigue (qui créent
également des tensions) ;
- modifications hormonales (augmentation du tonus musculaire au début
des règles mais relâchement musculaire lors de la grossesse)
;
- positions d'étirement (prolongées pendant le sommeil ou brusques
lors de sport) qui accentuent le réflexe myotatique, etc.
Au départ, le muscle longissimus capitis ou le cléido-mastoïdien
peuvent devenir hypertoniques de façon permanente surtout suite à
un choc crânien ou cervical latéral, ou lors d'une traction excessive
sur la tête lors de la naissance.
L'orientation de ces muscles et le fait qu'ils prennent appui sur les vertèbres
cervicales ou la clavicule vont déterminer sur la mastoïde une
force de traction à deux composantes qui s'exerceront en permanence
l'une vers le bas, l'autre en dedans.
La première, la plus importante, va donc exercer une force de traction
vers le bas sur l'os temporal, alors que l'os occipital est bloqué
par les vertèbres. Or ces deux os sont reliés par du tissu conjonctif
qui chez le vivant est élastique et donc, comme tout tissu conjonctif,
déformable (fig. 3).
L'espace entre les deux os sera ainsi légèrement réduit
dans le sens vertical et le diamètre du formamen jugulaire (que nous
avons décrit plus haut) le sera également en conséquence.
Or d'après les lois de la dynamique des fluides (encadré 1),
une faible diminution du rayon d'un tuyau entraîne une relativement
forte diminution du débit du liquide qui y circule. Nous aurons donc
un ralentissement de l'évacuation du sang veineux intracrânien,
avec légère hyperpression veineuse en amont.
o L'évolution de la crise de migraine
Elle se ferait en quatre temps.
Mise en place du processus pathologique : traumatisme puis latence (absence
de symptômes)
Suite au choc initial, le spasme du muscle (longissimus capitis et/ou cléido-mastoïdien)
diminue le diamètre du Fj. Ce phénomène, minime, peut
très bien rester latent pendant des années.
Baisse de l'apport d'oxygène au cerveau : aura ou latence
Si des facteurs aggravant le MPP surviennent (stress, surmenage, étirement
du muscle, règles, etc., tels que décrits plus haut), le rétrécissement
du Fj augmente. Le débit veineux de sortie du crâne diminue donc
en proportion d'une puissance 4 de la diminution du rayon du FJ : une faible
diminution du rayon provoque vite une baisse sensible du débit.
Le débit de la circulation capillaire cérébrale est diminué
d'autant. Ce ralentissement circulatoire se propage dans le crâne progressivement
d'arrière en avant, sens opposé à la circulation normale
du sang veineux, comme un embouteillage qui s'étend. Les conséquences
se font d'abord et surtout ressentir au niveau occipital car là, l'excès
de sang peut être mal dérivé par dès anastomoses
(liaisons entre les veines), ce qui entraîne une baisse de l'oxygénation
cérébrale au niveau des territoires les plus concernés,
d'où souffrance cérébrale locale qui provoque les signes
d'aura. En l'occurrence, c'est la partie postérieure des lobes occipital
et pariétal, et plus particulièrement l'aire 17 et sa zone de
phénomènes visuels élémentaires (flammes, éclairs)
(8, 17), qui est la première atteinte.
En fonction probablement des variations anatomiques (9), d'autres zones corticales
peuvent parfois être touchées, donnant d'autres symptômes
d'aura, plus rares (ces variations peuvent d'ailleurs expliquer la fréquence
de migraines dans certaines familles et le fait que le spasme musculaire ne
s'accompagne pas non plus forcément de céphalées).
Ce second temps peut lui aussi très bien rester asymptomatique, surtout
si le spasme n'est pas trop intense. Quoi qu'il en soit, l'organisme se doit
de réagir rapidement à cette carence en oxygène ou à
sa menace, ce qui provoque le troisième temps.
Réaction : hypervascularisation et douleur
Pour compenser l'hypoxie, il faut apporter d'urgence plus d'oxygène
et le seul moyen est d'apporter plus de sang : une vasodilatation massive
s'installe au niveau des trois artères cérébrales du
même côté puisque, comme nous l'avons décrit, le
réflexe agit au niveau du sinus carotidien du même côté.
Cet apport supplémentaire réflexe de sang artériel, souvent
perçu par le malade comme une sensation de pulsation (et éventuellement
étendu aux artères superficielles), se heurte au "barrage"
du Fj rétréci. Ainsi, si elle est efficace sur l'hypoxie (cessation
des signes d'aura), cette augmentation de pression artérielle localisée
provoque également une hypertension intracrânienne (HIC), dont
on sait que les signes typiques sont précisément céphalées
(unilatérales si la cause est unilatérale) et vomissements plus
ou moins importants (ces derniers étant probablement dus à la
compression de l'area prostrema à l'angle caudal du 4` ventricule)
(7).
Si le problème musculaire est unilatéral, la réaction
sera unilatérale et on aura une migraine. Si le problème musculaire
est bilatéral, la réaction sera bilatérale et on aura
une céphalée globale. Il n'y a pas de différence fondamentale.
> Evolution spontanée vers la guérison de l'accès
Quand les facteurs aggravant le spasme disparaissent (en général
lors d'une nuit de sommeil), les symptômes cessent d'eux-mêmes
et tout rentre dans l'ordre jusqu'à la prochaine crise (probablement
inévitable tant que l'on aura pas traité le spasme du muscle
à l'origine du problème).
Les médicaments chimiques, vasoconstricteurs, peuvent stopper la troisième
phase et donc supprimer les symptômes mais seraient sans effet sur les
deux premières, et donc sur les rechutes. Mais ils ont tendance à
augmenter le tonus musculaire, ce qui expliquerait que leur abus provoque
des migraines (14).
o Cause et facteurs déclenchants
Il convient de bien distinguer les conséquences d'un traumatisme souvent
ancien et donc oublié et celles de facteurs liés au déclenchement
de la crise de céphalée ou de migraine, en apparence de façon
beaucoup plus directe et évidente.
> La vraie cause nous semble toujours traumatique: il
n'y a pas, jusqu'à preuve du contraire, de migraine sans spasme préexistant
du muscle longissimus capitis et/ou du cléido-mastoïdien, hypertonie
souvent déjà ancienne, toujours d'origine traumatique (choc
physique qui aura en général été oublié,
puisqu'il peut très bien dater de la naissance - accouchement un peu
forcé - ou de l'enfance - chute en apprenant à marcher, ou être
plus tardif - accident provoquant un traumatisme cervical ou crânien
-, l'un comme l'autre risquant d'étirer brusquement un des muscles
cités).
Ce spasme, habituellement latent ou ne se manifestant que par des douleurs
cervicales, va par moments être accentué jusqu'à avoir
un effet nocif sur le diamètre du trou déchiré postérieur
et le débit de l'évacuation du sang veineux intracrânien.
C'est là qu'interviennent les facteurs déclenchants que nous
détaillerons plus loin.
La coïncidence entre douleurs cervicales chroniques et migraines
(ou céphalées banales) à répétition est
bien connue : près de la moitié des migraineux et céphalalgiques
souffrent de cervicalgies, contre moins de 10 % dans la population globale
(11). L'absence éventuelle de ces douleurs signifie simplement la latence
clinique des tensions musculaires à ce niveau et non leur absence :
les spasmes musculaires cervicaux sont facilement retrouvés chez la
plupart des migraineux s'ils sont correctement recherchés (13).
Il n'y aurait donc pas antithèse entre les théories vasculaires
et l'observation de la fréquence de cervicalgies mais relation de cause
à effet, ce qui est plus logique car l'on ne peut nier ni l'un ni l'autre.
La fréquence de l'installation de migraines ou céphalées
banales à répétition après un traumatisme crânien
ou cervical a été remarquée par de nombreux auteurs (1).
Or la principale conséquence d'un traumatisme crânien ou cervical
est d'étirer les muscles du cou, les accidents plus gravés (fractures,
etc.) étant relativement rares.
En moyenne, 50 % des personnes ayant eu un traumatisme crânien présentent
des céphalées entre un et douze mois après. L'incidence
des céphalées post-traumatiques tardives est de 14,5 à
39 % selon les auteurs. Encore ceci ne concerne-t-il que les traumatismes
crâniens, à l'exclusion des traumatismes cervicaux.
Il est à noter aussi que les auteurs n'ont relevé que les céphalées
survenant peu de temps après le traumatisme (moins d'un an au maximum),
alors que nous avons vu qu'il peut y avoir une phase de latence de plusieurs
années. Toutefois, Weiss (1992) estime que l'installation après
traumatisme d'une maladie migraineuse est probablement sous évaluée
(1). Il a également été remarqué que le traumatisme
responsable des céphalalgies peut très bien être mineur
(1).
Quant aux douleurs, il peut s'agir aussi bien de céphalées de
tension que de migraines ayant exactement les caractéristiques IHS.
On sait qu'elles peuvent persister des mois, voire des années après
le traumatisme initial. Et le traitement préconisé pour les
migraines post-traumatiques est le même que celui des migraines dites
spontanées (1).
o Quant à notre hypothèse d'une hypertension intracrânienne
unilatérale bénigne comme cause des céphalalgies banales
ou migraineuses, il est à noter qu'elle est également évoquée
dans le mécanisme de nombreuses céphalées dues aux médicaments
(5).
o Enfin, notre théorie de la migraine et de la céphalée
banale comme deux formes cliniques d'une même maladie, donc de cause
unique, a déjà été envisagée par plusieurs
auteurs d'après les simples aspects cliniques (4, 12).
Ils soulignent que les critères HIS, pour intéressants qu'ils
soient, sont parfois trop restrictifs car, en pratique quotidienne, les critères
cliniques des céphalées et des migraines s'intriquent souvent.
Ils font remarquer aussi l'unité thérapeutique qui existe entre
ces deux affections, et la constatation d'une augmentation de la tension musculaire
céphalique et cervicale dans les céphalées chroniques
aussi bien que dans la migraine (4).
> Il y a d'autre part le rôle des facteurs déclenchants.
Nous pensons qu'ils sont de deux types
o Catégorie A : de nombreux facteurs qui augmentent le tonus
musculaire peuvent rendre patent le spasme jusque-là non manifesté.
Ce sont
- le stress (si le psychisme ne peut pas, à la lumière de ce
que nous avons vu, être considéré comme cause, il peut
très bien, et c'est fréquent, être facteur déclenchant)
;
- la fatigue ;
- le vent, le froid ;
- une position de sommeil étirant un des muscles cités, ce qui
augmente son spasme réactionnel ;
- les modifications hormonales précédant les règles (chute
oestrogénique) qui expliquent probablement la plus grande fréquence
de migraines chez les femmes, moins de troubles restant simplement latents
que chez l'homme, puisqu'il n'y a pas de différence entre garçons
et filles avant la puberté. Ce facteur hormonal est à ajouter
à la fréquence significativement plus grande de céphalées
post traumatiques chez la femme (1).
S'il y a peu de migraines au cours de la grossesse, c'est que le terrain y
est au relâchement musculaire global. Quant à l'activité
physique, elle peut déclencher ou aggraver la migraine car elle tend
à aggraver le spasme par de brusques sollicitations ou des étirements.
Mais quand ces facteurs aggravant le spasme préexistant cessent, le
débit redevient à peu près normal, en tout cas en dessous
du seuil de manifestation, et les symptômes disparaissent.
o Catégorie B : les facteurs déclenchants qui
n'augmentent pas le tonus musculaire, comme l'alcool, augmentent la vascularisation
par la vasodilatation : cet apport de sang supplémentaire, s'il se
heurte au "barrage" du Fj rétréci par le spasme permanent
mais latent d'un ou des deux muscles cités, augmente la pression intracrânienne,
provoquant la même douleur.
Ici aussi, il y a un ralentissement circulatoire s'étendant progressivement
d'amère en avant, sens opposé à la circulation veineuse
intracrânienne normale, de même qu'on constate en spéléologie
qu'une grotte normalement bien drainée par une petite rivière
souterraine se remplit rapidement d'eau en amont dès qu'il pleut. D'autres
substances contenues dans certains aliments peuvent servir de médiateurs
au même phénomène.
o Le café tient une place à part : étant vasoconstricteur,
il peut soulager une crise, mais étant contracturant musculaire, son
abus peut augmenter le tonus s'il y a spasme post-traumatique préexistant,
jusqu'à déclencher des crises.
Le sevrage du café, provoquant une vasodilatation réactionnelle
brutale par arrêt de l'effet vasoconstricteur, peut provoquer des céphalées
pendant quelques jours. Il en va de même de la plupart des médicaments
de la crise migraineuse.
La méthode privilégiée pour aborder un spasme musculaire
post-traumatique persistant est la Myothérapie, technique manuelle
ne comportant pas de manipulations, qui permet de lever de façon spécifique
et très simple les MPP des muscles toniques. Cette méthode est
enseignée depuis 7 ans en France, par le Dr Polak, aux médecins
et kinésithérapeutes. Plusieurs centaines ont été
formés.
Pour les migraines, nous traiterons le muscle longissimus capitis ou le cléido-mastoïdien,
et éventuellement d'autres muscles dont le spasme est associé
(muscles du cou ou parfois plus à distance). Les muscles à traiter
sont détectés selon des méthodes d'interrogatoire et
de palpation spécifiques à la Myothérapie.
o Traitement de fond des migraines
Le Dr Aguila a appliqué la Myothérapie (comme seul traitement)
à 44 patients migraineux répondant aux critères de l'IHS,
36 femmes et 8 hommes, de 5 à 70 ans (moyenne d'âge : 42 ans)
- 39 présentaient des migraines sans aura (80 9 des migraines avec
aura (20 ce qui correspond à peu près au pourcentage habituel
; - l'ancienneté de la maladie migraineuse variait entre 6 mois et
54 ans (moyenne: 18 ans) ;
-1a fréquence des crises avant traitement par Myothérapie variait
entre 0,4 et 10 par mois (moyenne: 3 par mois) ;
- le nombre de séances de Myothérapie pratiquées à
varié entre une et 18 (moyenne: 7 séances) ;
- la durée du traitement de fond par Myothérapie a varié
entre une semaine et 16 mois (moyenne: 3 mois) ;
- après traitement, le recul a varié entre un mois et 26 mois
(moyenne 10 mois de recul).
o Ont été considérés comme guéris les patients
n'ayant plus eu aucune crise de migraine ou céphalée après
le traitement pendant toute la période de recul. Sur les 44 cas, 32
ont été guéris, soit 73 %, avec un recul variant entre
3 et 25 mois.
o Ont été considérés comme nettement améliorés
les patients n'ayant plus eu qu'une ou deux crises de migraine ou céphalée
après le traitement pendant toute la période de recul ou n'ayant
plus fait de crises mais avec un recul court (un mois). Sur les 44 cas, 4
ont été nettement améliorés, soit 9 %, avec un
recul variant entre un et 12 mois.
o Ont été considérés comme améliorés
les patients ayant eu nettement moins de crises de migraine ou céphalée
après le traitement pendant toute la période de recul. Sur les
44 cas, 4 ont été améliorés, soit 9 %, avec un
recul variant entre 5 et 26 mois.
o Le traitement a été considéré comme un échec
s'il n'a pas abouti à une modification significative de la fréquence
des crises (dans ces cas, on constate toujours une persistance des spasmes
musculaires). Sur les 44 cas, 4 traitements seulement ont été
un échec, soit 9 %, avec un recul variant entre 2 et 24 mois (tableau
1). Rappelons pour mémoire que l'importance de l'effet placebo dans
le traitement de fond des migraines est évalué entre 20 et 40
% (18).
o Si l'on ne considère que les migraines avec aura, il y avait 5 femmes
et 4 hommes, âge de 29 à 70 ans (moyenne : 47). Nombre moyen
de crises : 3 par mois. Sur 9 cas en 6 séances de moyenne, sur 3 mois
en moyenne, il y eut 7 guérisons (78 %), une nette amélioration
(11 %), une amélioration (11 %) et pas d'échecs. o Pour l'ensemble
des cas, il peut être intéressant de considérer le nombre
de crises attendues (en fonction de la fréquence avant traitement et
du recul après traitement) et le nombre de crises effectivement survenues
après traitement
- nombre de crise attendues : 1 025 (moyenne : 23) ;
- nombre de crises survenues : 184 (moyenne : 4) ;
soit une diminution de - 82 %, tous cas confondus (guérisons, améliorations
et échecs) (tableau 2).
Le traitement de fond des migraines à répétition par
un traitement visant uniquement le système musculaire avec un tel taux
de succès suggère fortement que l'étiologie de la migraine,
son primum movens, est musculaire.
Résultats du traitement de fond des céphalées
banales à répétition par Myothérapie
25 médecins ont participé, entre janvier 1991 et juin 1994,
à une étude sur les effets de la Myothérapie en traitement
de fond des céphalées dites banales, à condition que
les troubles soient à répétition. Sur 155 cas étudiés,
117 (soit 75 %) furent guéris, 31 (soit 22 %) furent améliorés
et -l (3 °'o) furent un échec (tableau 3).
Il en ressort que le traitement de fond des céphalées dites
banales, traitées de la même façon que les migraines,
c'est-à-dire par Myothérapie, donne les mêmes résultats
extrêmement intéressants que dans la migraine trois quarts de
guérisons.
Un traitement identique donnant des résultats quasi identiques sur
deux maladies ayant des symptômes aussi proches que les migraines et
les céphalées banales suggère fortement que leur étiologie
puisse être commune.
Nous espérons avoir répondu aux questions énumérées
au début de notre article et surtout â la principale quelle est
la cause initiale de la migraine, le primum movens ?
Faute de place, nous n'avons pas rappelé les observations, bien connues
par des spécialistes, concernant les modifications vasculaires pendant
la migraine (2, 3).
Notre hypothèse, faisant intervenir une cause traumatique, une hypertonie
musculaire, des troubles de la vascularisation corticale d'origine veineuse
et des phénomènes régulateurs réflexes, a l'intérêt
d'unifier toutes les théories partielles sur la migraine et de faire
le lien entre toutes les observations scientifiques faites à ce jour.
II semble bien que la migraine ne soit pas multifactorielle : tout semble
indiquer au contraire que sa cause est toujours la même et que seuls
les facteurs déclenchants sont variables.